Histoire du martinisme au XXème siècle

Papus « désincarné », en 1916, c’est son adjoint, Téder (Charles Détré, 1855-1918), qui prend la direction de l’Ordre Martiniste (un procès-verbal atteste de son élection par les membres du Suprême Conseil). Il assumera cette charge jusqu’à sa mort, en 1918. Cette courte période verra tout de même de nouvelles pratiques et conceptions s’imposer au sein de l’Ordre Martiniste.

Une succession mouvementée

A la disparition de Téder, des dissensions apparurent entre l’adjoint nommé à Paris, Victor Blanchard (1887-1953, sâr Paul Yésir, T Targelius, T Paul) et celui nommé à Lyon, Jean-Baptiste Bricaud (1881-1934), également Patriarche de l’Eglise Gnostique Universelle (Jean II) liée par un traité d’amitié avec l’Ordre Martiniste depuis 1911. Des clans se formèrent, l’Ordre se divisa.

Le Lyonnais Bricaud, finalement nommé à sa tête, opta pour un fonctionnement très fortement calqué sur celui de la Franc-Maçonnerie (ce que Papus souhaitait éviter de son vivant) : interdiction aux femmes, obligation d’être maçon pour rentrer, etc.

Définitivement débouté de ses ambitions à la tête de l’Ordre, suite à la présentation par Bricaud, en 1920, d’une succession écrite, Victor Blanchard créa l’Ordre Martiniste Synarchique, en référence à l’œuvre de Saint-Yves d’Alveydre (1842-1909).

De son côté, Pierre Augustin Chaboseau (1868-1946), avec l’aide de Victor-Emile Michelet (1861-1938) et Lucien Mauchel (Chamuel), fonda l’Ordre Martiniste Traditionnel.

On constate que cette première moitié du 20ème siècle voit le milieu martiniste « institutionnalisé » se fractionner, se diviser mais aussi, finalement, selon le principe propre de la transmission par « initiation libre », s’étendre et rayonner. En effet, malgré les dissidences, la pensée martiniste continuait de vivre et de recruter de nouveaux adeptes.

Durant la guerre

A la mort de Bricaud, en 1934, les esprits s’apaisent. Un nouveau Grand Maître, Constant Chevillon (1880-1944), reprend le flambeau. Licencié ès lettres, professeur de philosophie religieuse chez les pères jésuites, son esprit humaniste et sa profonde spiritualité lui assurent un large soutien. Mais survient la tourmente de la seconde guerre mondiale. Les sociétés initiatiques sont interdites, ses membres persécutés. Chevillon sera arrêté le 25 mars 1944 et exécuté le soir même par la milice.

A la Libération, Henri-Charles Dupont (1877-1960), l’un des derniers représentants de l’Ordre Martiniste originel de Papus, reçoit la grande maîtrise. Si deux guerres successives, et en particulier les persécutions de la deuxième guerre mondiale et plusieurs scissions, ont décimé l’Ordre Martiniste, celui-ci n’est pas éteint pour autant.

Philippe Encausse, fils de Papus

Les survivants de l’Ordre fondé par Papus, ainsi que des admirateurs de son œuvre colossale, veulent, à cette période, redonner toute son ampleur au mouvement. Ce sera la tâche que se fixera Philippe Encausse, le propre fils de Papus, assisté de Robert Ambelain, lui-même reçu S.I. à l’Ordre Martiniste en 1939 par Georges Lagrèze (1881-1946), Henri Meslin et Jean Chaboseau (à noter qu’il entra également au rite Memphis-Misraïm par l’intermédiaire de Chevillon).

En décembre 1952, Philippe Encausse constitue l’Ordre Martiniste de Papus.

En 1953, il reprend la revue L’initiation, éteinte en 1912, qui redevient organe officiel de l’Ordre.

Couverture de “l’Initiation” N°1, janvier 1953.

Le 26 octobre 1958, un protocole d’accord est signé entre l’Ordre Martiniste de Papus, présidé par Philippe Encausse, l’Ordre Martiniste (dit de Lyon) présidé par Henri-Charles Dupont, et l’Ordre Martiniste des Elus Cohen présidé par Robert Ambelain, que ce dernier avait réveillé en 1942. C’est “l’Union des Ordres Martinistes”.

Deux mois avant sa mort, le 13 août 1960, au vu des efforts et du succès remporté par Philippe Encausse, fils de Papus, Henri-Charles Dupont lui transmet la charge de Grand Maître de l’Ordre Martiniste originel.

En 1960, l’Union des Ordres Martinistes prend donc le nom d’Ordre Martiniste avec un Cercle extérieur que l’on appellera Ordre de Saint Martin, présidé par Philippe Encausse, et un Cercle intérieur que l’on appellera Ordre des Elus Cohen, présidé par Robert Ambelain. Cette distribution a une vie éphémère. En effet, le 14 août 1967, est prononcée la dissolution de l’Union des Ordres Martinistes entraînant la disparition du “Cercle Intérieur” et du “Cercle Extérieur”. Il y aura dorénavant deux Ordres distincts, à savoir : l’Ordre Martiniste, présidé par le Dr. Philippe Encausse, et l’Ordre des Elus Cohen présidé par Ivan Mosca (1915-2005), que Robert Ambelain désigne le 29 juin 1967 comme son successeur. Ce dernier, qui avait entretemps appelé ce mouvement “Ordre des Chevaliers Maçons Elus Cohen de l’Univers”, finira par le mettre en sommeil pour une période indéfinie le 22 avril 1968.

Pendant vingt ans, Philippe Encausse sera l’infatigable animateur de l’Ordre Martiniste auquel il saura redonner force et vigueur. Des centaines de membres, partout en France et à l’étranger, demandent à y adhérer. Il passe la grande maîtrise en 1971 à son ami de longue date Irénée Séguret, mais celui-ci démissionne en 1974 et la lui rend.

Après toutes ces années passées au service de l’Ordre qu’il avait fait renaître, Philippe Encausse, à 74 ans, choisit de prendre une retraite bien méritée et transmet la grande maîtrise à Emilio Lorenzo (Sitaël), membre depuis 1970 de la Chambre de Direction, et qui l’avait secondé depuis 1975 en tant que Grand Maître Adjoint de l’Ordre.

La transmission initiatique n’a jamais été interrompue. Ainsi, le Grand Maître actuel, André Gautier, a succédé en 2016 à Emilio Lorenzo, qui occupait cette charge depuis 1979, date à laquelle le fils de Papus, le docteur Philippe Encausse (1906-1984), lui avait confié sa succession.